Profil de membre - Nick La Delfa

Comment vous appelez-vous, quel est votre cheminement scolaire et quelle est votre profession?

Je m’appelle Nick La Delfa et je suis professeur agrégé à la faculté des sciences de la santé de l’Ontario Tech University. Mes recherches portent sur la biomécanique du travail, la neuromécanique et l’ergonomie. J’ai commencé mes études universitaires à l’Université McMaster, où j’ai obtenu un diplôme de premier cycle en kinésiologie. J’ai ensuite poursuivi mes études de maîtrise et de doctorat à cette même université, sous la direction du professeur Jim Potvin (Ph. D.). Bien que mes études supérieures aient porté sur plusieurs domaines liés à l’ergonomie et aux facteurs humains (p. ex., la fatigue neuromusculaire, le comportement moteur, l’ergonomie de l’hygiène dentaire), je me suis principalement concentrée sur la recherche en matière de capacité de la force, qui a abouti à l’outil ergonomique «?Arm Force Field?» (une méthode visant à prédire la force manuelle du bras). Après avoir obtenu mon diplôme de McMaster en 2016, j’ai effectué un stage postdoctoral à l’Université de Waterloo en travaillant dans le laboratoire du Prof. Clark Dickerson, qui se concentre sur la biomécanique de l’épaule. Depuis 2017, je fais partie du corps professoral de l’Ontario Tech et je dirige l’Occupational Neuromechanics and Ergonomics Lab (aussi appelé ONE lab en abrégé). 

Depuis combien de temps êtes-vous membre de l’ACE?

Je suis membre de l’ACE depuis 2011, année où j’ai assisté à ma première assemblée annuelle à London, en Ontario, en tant qu’étudiant au doctorat dans le laboratoire du Prof. Potvin. 

Menez-vous actuellement des activités de recherche?

Oui, notre groupe de recherche a quelques projets en cours. Je dirais que l’objectif principal et la vocation de notre laboratoire sont de faire progresser les évaluations ergonomiques proactives. L’ergonomie est traditionnellement une discipline réactive, où les interventions sont mises en place après qu’un problème a été identifié ou que des blessures se sont déjà produites. Mon objectif est de nous orienter vers un processus ergonomique plus proactif à l’aide de la simulation pour étudier les facteurs ergonomiques avant qu’ils ne deviennent des problèmes. Dans certains cas, il est possible de réaliser des évaluations proactives bien des années avant que le produit ou les opérations n’existent réellement. Vous pouvez imaginer les économies considérables que cette approche pourrait permettre de réaliser!
Notre laboratoire s’efforce d’atteindre cet objectif en approfondissant la compréhension et le développement de modèles prédictifs de la force humaine et de la fatigue ou de la récupération. Nous avons déjà mené plusieurs études sur la manière dont des facteurs tels que la manualité, la fatigue des bras et l’extension des bras pour atteindre un objet peuvent affecter la capacité de la force manuelle. Michael Watterworth, un doctorant travaillant dans mon laboratoire, mène une série d’études visant à définir des seuils d’exposition ergonomiques pour le travail au-dessus des épaules. Ryan Foley, un autre doctorant, tente de comprendre les complexités de la fatigue musculaire et de la récupération au niveau neurophysiologique, puis d’appliquer ces résultats de recherche à un modèle informatique de la fatigue musculaire (développé à l’origine par Jim Potvin et son collègue, Andy Fuglevand). Il s’agit là d’un aperçu de quelques travaux menés actuellement en laboratoire en vue d’améliorer la fidélité de nos évaluations ergonomiques. Cependant, nous menons aussi des recherches sur la manière dont les technologies émergentes, notamment les systèmes de capture de mouvement et de réalité virtuelle moins coûteux, peuvent faciliter les évaluations ergonomiques proactives et éventuellement les rendre plus accessibles à tous les ergonomes praticiens.

Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à l’ergonomie?

J’ai commencé mes études de premier cycle avec la ferme intention de devenir dentiste, car j’étais grandement déterminé à suivre la voie de mon père qui est décédé lorsque j’étais jeune. Au cours de ma troisième année universitaire, je me suis inscrit sans réfléchir à un cours d’ergonomie donné par le Prof. Potvin, notamment parce que j’avais eu de bons résultats dans son cours de biomécanique l’année précédente. Naturellement, j’ai été séduit. J’ai adoré la nature de l’ergonomie, qui permet de résoudre des problèmes, et le fait qu’elle vous oblige à penser différemment de tous les autres cours que je suivais. L’année suivante, le Prof. Potvin a eu la gentillesse de me superviser dans le cadre d’un projet de fin d’études de premier cycle sur le thème de l’ergonomie dentaire, alliant ainsi mes deux passions de l’époque. Dès ces premiers jours, j’ai su que je voulais devenir chercheur en ergonomie et je n’ai jamais regretté cette décision. 

Qu’auriez-vous aimé apprendre à l’école?

Bien que ma formation m’ait certainement fourni une base solide sur plusieurs sujets pertinents en ergonomie, le plus grand défi auquel j’ai été confronté a probablement été la gestion efficace de plusieurs projets et échéances. Avec le recul, je pense qu’il m’aurait été utile de suivre davantage de cours en administration des affaires, en finance et en gestion de projet. J’aurais également aimé avoir la possibilité d’effectuer un stage afin de pouvoir appliquer certaines connaissances et compétences dans le monde réel sur une longue période. 

Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre métier d’ergonome? Quel est l’aspect de l’ergonomie qui vous plaît le plus?

La chose que je préfère de l’ergonomie, c’est sa nature multidisciplinaire. Elle me permet d’appliquer et d’intégrer mes connaissances en biomécanique, en psychologie, en physiologie, en statistiques et d’autres domaines. J’aime également la nature de l’ergonomie qui consiste à résoudre des problèmes. Elle exige d’utiliser les outils disponibles pour rassembler des preuves, prendre des décisions et formuler des recommandations en connaissance de cause. Lorsque les preuves ou les outils sont insuffisants, notre communauté est disposée à soutenir de nouveaux efforts de recherche, ce que j’adore et qui me donne envie de venir travailler tous les jours. 

Quelle est, selon vous, la meilleure occasion qui s’offre aux ergonomes pour l’avenir?

Compte tenu de quelques-unes de mes réponses précédentes, vous ne serez sans doute pas surpris d’apprendre que je crois que l’ergonomie proactive est une occasion en or pour l’avenir. L’adoption de méthodes de simulation et de modélisation humaine de pointe nous permet d’évaluer les facteurs ergonomiques avant qu’ils ne se manifestent sous forme de problèmes. Bien que cette approche nécessite un investissement initial, les possibilités pour prévenir les blessures et réaliser d’importantes économies sont énormes. Je suis conscient que l’accès à certaines de ces méthodes constitue un obstacle jusqu’à présent, mais je pense que certaines technologies émergentes dans notre domaine permettront aux ergonomes de petites firmes de consultants ou d’entreprises de commencer à intégrer l’ergonomie proactive dans leur pratique à un moindre coût. 

Quels conseils donneriez-vous à un étudiant ou à un jeune professionnel débutant en ergonomie?

Mon meilleur conseil serait de veiller à toujours maintenir des normes élevées dans tout ce que vous faites. La cohérence et la fiabilité sont des qualités qui vous mèneront loin dans tous les domaines de la vie. Efforcez-vous d’être une personne qui apporte toujours une valeur ajoutée à votre équipe. Par exemple, faites preuve de leadership au sein de votre groupe, soutenez vos pairs lorsqu’ils ont besoin d’un coup de main ou soyez ce «?closer?» ou «?finisseur?» si important. Être une personne qui fait bien son travail, sans avoir à être talonnée ou surveillée trop souvent, et une merveilleuse réputation à avoir. 

Aimeriez-vous nous faire part d’autres éléments qui nous auraient échappé?

Je pense qu’une chose sur laquelle nous pourrions travailler en ergonomie est l’autopromotion. Il y a beaucoup d’avantages à ce que les principes de l’ergonomie soient diffusés à tous les niveaux d’une organisation, et même au niveau personnel. Le grand public a certainement pris conscience de ces avantages pendant la pandémie, lorsque de nombreuses personnes ont réalisé à quel point leur mauvais poste de travail à la maison nuisait à leur productivité, à leur santé mentale et à leur bien-être physique (j’avais moi-même mal au dos après avoir passé trop de temps à écrire sur mon canapé). Je pense qu’une connaissance générale de l’ergonomie est vraiment utile tant à l’échelle des individus que de la population en général, et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que cela devienne une évidence aux yeux de tous. Dans le même ordre d’idées, je pense que nous devons continuer à promouvoir nos titres professionnels et faire en sorte qu’un plus grand nombre de personnes obtiennent le titre d’ergonome certifié. C’est une chose que je suis aussi coupable de remettre au lendemain. Il y a eu très peu de circonstances, du moins dans ma carrière de professeur, où le fait de ne pas détenir le titre d’ergonome certifié constituait un obstacle pour moi. Ceci étant dit, si nous pouvons arriver à ce que tous les professeurs et les praticiens de l’ergonomie sont obligés d’avoir cette certification, au même titre que nos collègues ingénieurs, je pense vraiment que cela contribuera à dynamiser notre profession et faire de l’ergonomie un «?incontournable?» pour toutes les organisations.